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LE NUDISME,
revendication révolutionnaire ?


Renée Dunan et Lacaze-Duthiers n’ayant pu se rendre à notre après-midi du 25 novembre dernier, nous ont fait parvenir les réflexions que leur suggérait le sujet de la réunion, très réussie d’ailleurs par la variété des opinions exposées ; nous y avons joint les notes de E. Armand, soucieux de ne pas improviser en de telles la responsabilité de paroles qui ne seraient pas siennes.

À mon avis, il ne faut pas considérer le nudisme comme un fait absolu d’ordre hygiénique, à juger en dehors des contingences, mais comme un fait de réaction intellectuelle avant tout.

En effet, je ne crois pas qu’il soit possible de vivre constamment nu à un Européen, je veux dire vivre aussi normalement nu que nous vivons habillés. Le nu restera occasionnel et exceptionnel, relatif et soumis à mille restrictions de détail. Ainsi, même dans les colonies des Alpes-Maritimes, où on pratique le nudisme, il est évident qu’il y a des jours de mistral ou de vent d’est qui y sont hostiles. Il y a la nuit, il y a la mauvaise saison. Bref, nous ne pouvons plus être naturellement nus. Cela ne nous est possible facilement, et durant de cours laps, que sur une plage, en plein soleil, ou alors dans un pays de choix, avec un labeur limité, beaucoup de volonté, de l’isolement, et après un entraînement qui pourrait (maux pulmonaires, passages brutaux à des températures différentes) avoir d’ailleurs sur la plupart quelques effets dangereux. Il y a donc des obstacles.

Par conséquent, le nudisme, comme, selon moi, le végétarisme, constitue une tendance que je crois bonne, que j’approuve, mais qui ne saura rester que tendance. On n’y peut recourir que pour des tentatives brèves et en vase clos.

On sait, en sus, que sous les tropiques même, où la nudité semblerait s’imposer précisément, elle est riche d’inconvénients, du fait des moustiques et parasites dont les soins de propreté les plus stricts ne peuvent vous exonérer, si vous restez nu.

Ceci dit, et compte tenu des empêchements à une impossible existence nudique (je m’abstiens de parler ici de l’opposition des lois sociales et des « usages » ) le nudisme, comme réaction, et comme tendance, comme effort à la fois spirituel et en quelque sorte sportif, me paraît une chose excellente.

Le vêtement a été certainement indispensable à nos ancêtres. Il le fallait pour maintenir, dans des existences agitées et pleines d’à coups, un indispensable équilibre de température épidermique et profond. Notre climat européen le rendait, en plus, obligatoire par les variations constantes de l’ambiance thermique. Toutefois, avec ses avantages, le vêtement apporta ses inconvénients qui sont d’ordre physique et moral.