Page:La Barre de Nanteuil - Législation de l’Ile de la Réunion, tome 2, 1861.djvu/653

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Le Gouvernement provisoire,

Considérant que l’esclavage est un attentat contre la dignité humaine ; qu’en détruisant le libre arbitre de l’homme, il supprime le principe naturel du droit et du devoir ; qu’il est une violation flagrante du dogme républicain : Liberté, Egalité, Fraternité.
Considérant que si des mesures effectives ne suivaient pas de très près la proclamation déjà faite du principe de l’abolition, il en pourrait résulter dans les colonies les plus déplorables désordres,

Décrète :

Article 1er :

L’esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises, deux mois après la promulgation du présent décret dans chacune d’elles. A partir de la promulgation du présent décret dans les colonies, tout châtiment corporel, toute vente de personnes non libres, seront absolument interdits.

Article 2 :

Le système d’engagement à temps établi au Sénégal est supprimé.

Article 3 :

Les gouverneurs ou commissaires généraux de la République sont chargés d’appliquer l’ensemble des mesures propres à assurer la liberté à la Martinique, à la Guadeloupe et dépendances, à l’île de la Réunion, à la Guyane, au Sénégal et autres établissements français sur la côte occidentale d’Afrique, à l’île Mayotte et dépendances et en Algérie.

Article 4 :

Sont amnistiés les anciens esclaves condamnés à des peines afflictives ou correctionnelles pour des faits qui, imputés à des hommes libres, n’auraient point entraîné ce châtiment. Sont rappelés les individus déportés par mesure administrative.

Article 5 :

L’Assemblée nationale réglera la quotité de l’indemnité qui devra être accordée aux colons.

Article 6 :

Les colonies, purifiées de la servitude, et les possessions de l’Inde seront représentées à l’Assemblée nationale.

Article 7 :

Le principe que le sol de la France affranchit l’esclave qui le touche est appliqué aux colonies et possessions de la République.

Article 8 :

À l’avenir, même en pays étranger, il est interdit à tout Français de posséder, d’acheter ou de vendre des esclaves, et de participer, soit directement, soit indirectement à tout trafic ou exploitation de ce genre. Toute infraction à ces dispositions entraînera la perte de la qualité de citoyen français.

Néanmoins les Français qui se trouvent atteints par ces prohibitions, au moment de la promulgation du présent décret, auront un délai de trois ans pour s’y conformer. Ceux qui deviendront possesseurs d’esclaves en pays étrangers, par héritage, don de mariage, devront, sous la même peine, les affranchir ou les aliéner dans le même délai, à partir du jour ou leur possession aura commencé.

Article 9 :

Le ministre de la Marine et des Colonies et le ministre de la guerre sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret.

Fait à Paris, en Conseil du Gouvernement, le 27 avril 1848


ESCLAVAGE. ÉMANCIPATION .

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34. En résumé l’esclavage avait | vrées de l’esclavage, les colonies ne se faitson temps, et l’émancipation était ront plus, il faut l’espérer du moins, préférable au régime de 1848. Elle a l’objet d’attaques incessantes et d’une causée la ruine de la moyenne pro- répulsion qui n’était que tropévidente. priété en général, et de ceux qui ne Leurs intérêts, qui sont si étroitement possédaient qu’un petit nombre d’es- liés à ceux de la mère-patrie, ne claves , mais , bien que l’indemnité pourront qu’exciter davantage toute la allouée n’ait pas été complète et en- sollicitude de son gouvernement. tière, l’affranchissement parait avoir été favorable à la grande propriété,

§ 2. Législation.

parce que ses ressources lui ont permis 85. Décret du Gouvernement provisoire abo. de se procurer des travailleurs étran lissant l’esclavage dans les colonies. gers ; ce qui le démontre, à notre avis, c’est que le prix des habitations a con Du 27 avril 1848.

sidérablement augmenté depuis quel Le gouvernement provisoire, ques années, et que, le plus souvent, Considérant que l’esclavage est un atten il est supérieur à celui qu’on obtenait tat contre la dignité humaine ; Qu’en détruisant le libre arbitre de

avant 1848, et lorsque des nègres y l’homme, ilsupprime le principe naturel étaient attachés. Enfin, désormais déli- du droit et du devoir ; Qu’il est une violation flagrante du

ateliers respectifs. Au surplus, la proclamation suivante leur avait été adressée par le commissaire général de la République M. Sarda Garriga .

20 décembre 1848.

AUX TRAVAILLEURS .

Mes Amis,

Les décrets de la République française sont exécutés : vous êtes libres. Tous égaux devant la loi , vous n’avez autour de vous que des frères.

La liberté , vous le savez , vous impose des obligations. Soyez dignes d’elle , en montrant à la France et au monde qu’elle est -inséparable de l’ordre et du travail . Jusqu’ici, mes amis , vous avez soiri mes conseils ; je vous en remercie. Vous me prouverez que vous m’aimez en remplissant les devoirs que la Société impose aux homics libres.

Ils seront doux et faciles pour vons. Rendre à Dieu ce qni lui appartient ; travailler en bons ouvriers comme vos frères de France, poiir élerer vos familles : voilà ce que la République vous demande par ma vois . Vons avez tous pris des engagements de travail ; com mencez - en dès aujourd’hui la loyale exécution . Un homme libre n’a que sa parole , et les promesses recues par les niagistrats sont sacrées. Vous avez vous-mêmes librement choisi les proprié taires ausquels vous avez loué votre travail ; vous devez donc vous rendre avec joie sur les habitations que vos iras sont destinés à féconder et où vous recevrez la justo rémunération de vos peines.

Je vous l’ai déjà dit , mes amis, la Colonie est pauvre : beaucoup de propriétaires ne pourront pent-être payer le salaire convenu qu’après la récolte . Vous attendrez ce moment avec patience, vous prouverez ainsi que le sen timent de fraternité , recommandé par la République à ses enfants, est dans vos caurs .

Je vous ai trouvés bons et obéissants ; je compte sur vous. J’espère donc que vous me donncrez peu d’occasions d’exercer ma sévérité ; car je la réserve aux méchants , aus paresseus, aur vagabonds et à ceux qui , après avoir entendu mes paroles , se laisseraient encore égarer par de mauvais conseils .

Mes amis , travaillons tous ensemble à la prospérité de notre Colonie. Le travail de la terre n’est plus un signe de servitude depuis que vous étes appelés à prendre votre part des biens qu’elie prodigue à ceux qni la cal tivent .

Propriétaires et travailleurs ne forment plus désormais qu’une seule famille dont tous les membres doivent s’entr’aider. Tous libres, frères et égaux , leur union peut faire senile leur bonheur ,

La République, mes amis, a voulu fair : le votre en vons donnant la liberté. Qu’elle puisse dire que vous avez compris sa généreuse pensée , en vous rendant di gnes des bienfaits que la liberté procurc. Vous in’appelez votre père , et je vous aime comme me. enfants ; vous écouterez mes conseils : reconnaissance éternelle à la République française qui vous a faits libres ! et que votre devise soit toujours : Dieu , la France et le Travail .

Vive La RÉPUBLIQUE !

11.