Page:La Beaume - Le Koran analysé, 1878.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

3 LE KORAN ANALYSÉ.

évadés sous la conduite de Moïse. Les Arabes n’étaient en relation qu’avec l’Abyssinie. Quant a cette côte septentrionale de l’Afrique qu’ils devaient envahir deux fois et que s’étaient si longuement disputée a côté d’eux les Romains, les Carthaginois, les Grecs-Bysantins et les Vandales, ils ne paraissaient pas se douter de son existence.

« Chaque peuple à son tour a brillé sur la terre.

« Par les lois, par les arts et surtout par la guerre :

« Le temps de l’Arabie est à la fin venu....

« Il faut un nouveau culte, il faut de nouveaux fers,

« Il faut un nouveau Dieu pour l’aveugle univers[1] »

La tâche entreprise par Voltaire n’exigeait pas, de la part de ce vaillant soldat de l’idée, une plus exacte précision. Les travaux des Fréret, des Montesquieu et d’autres interrogateurs du passé, n’avaient pas encore produit leurs fruits a la fin du xviiie siècle. On ignorait tout l’Orient ; l'Occident lui-même était loin, bien loin, d’être connu. Il fallait pour être compris de la foule vulgaire, et aussi de la foule lettrée, prendre pour point de départ les moitiés, les quarts de vérités historiques auxquels elles étaient accoutumées.

Mahomet n’a pas eu un seul instant le projet d’inventer un nouveau Dieu, d’instituer un nouveau culte. Il n’a prétendu, sémite d’abord, qu’à rétablir l’ancien monothéisme sémitique et qu’à restaurer le culte d’Abraham, c’est-adire le culte mosaïque, moins son corps sacerdotal et les pompes du temple de Jérusalem. Koreïchite ensuite, c’est-a-dire membre d'une famille aristocratique, il n’a aspiré qu’a réunir en un seul ensemble les nombreuses tribus arabes qui lui semblaient ne manquer que de cette condition pour tenir leur place dans le concert des nations.

Il devait se heurter a plus d’une dificulté en poursuivant l’une et l’autre partie de son œuvre.

Ses compatriotes y étaient fort mal préparés : nul sentiment de solidarité entre les tribus ; absence de ces souvenirs vivifiants que nous appelons nationaux.

« La portion sédentaire des populations du Bahrein, de l’Irak, dit M. Caussin de Perceval[2] obéissait aux Persans ; les Bédouins de ces contrées étaient, en réalité, libres de tout joug. Les Arabes de Syrie étaient soumis aux Romains. Les tribus de l’Arabie centrale et du Hedjaz, sur lesquelles les Tobba (chefs) Himyarites avaient exercé une autorité assez précaire et souvent secouée, étaient censées avoir passé sous l’empire des rois de Perse, mais elles jouissaient en effet d’une entière indépendance. »

Ils n’étaient pas mieux disposés, en tant que croyants à une religion quelconque,

« Au temps de Mahomet, dit M. Dozy[3], trois religions se partageaient l’Arabie : celle de Moise, celle du Christ et le Polythéisme. Les tribus Juives étaient les seules peut-être qui fussent sincèrement attachées à. leur culte, les seules aussi qui fussent intolérantes. Les persécutions sont rares dans l’ancienne histoire de l’Arabie, mais ce

  1. Voltaire. le Fanatisme, acte Il. Sc. V.
  2. Hist. des Arabes.
  3. Hist. des Musulmans d’Espagne.