Page:La Bibliothèque Canadienne, Tome I, 1825.djvu/4

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
( 5 )

HISTOIRE DU CANADA.

L’histoire du Canada, dit l’auteur des « Beautés » de cette histoire, « est singulièrement riche en beautés effrayantes. Des guerres sans fin, des mœurs fortes, naïves, farouches, qui montrent à nu les traits primitifs de l’âme humaine ; des atrocités exécrables et des traits d’héroïsme sillonnant de tems en tems une nuit d’horreurs, lui donnent un intérêt romanesque. Il n’y a peut-être pas de pays qui ait été plus arrosé de sang ; qui, par le singulier mélange d’une civilisation transplantée et d’une barbarie indigène, offre des contrastes plus étonnants ; en un mot, dont les annales soient faites pour causer plus souvent ces émotions profondes qui sont un besoin de l’homme ; ces émotions qui, suivant un grand poëte, (Akenside,) réveillent les facultés assoupies, descendent sur l’âme comme un torrent, lui rendent le ressort, et l’enivrent de bonheur. »

C’est bien plus, comme on le peut voir par ce passage, et mieux encore par la lecture de son livre, à l’histoire des sauvages du Canada, qu’à celles de ses habitans civilisés, que cet écrivain s’est attaché ; et il peut avoir bien fait, puisqu’il écrivait en France, et pour des Français, chez qui les mœurs et les usages des peuples sauvages sont des choses nouvelles et étranges. Pour nous, qui écrivons en Canada, et pour des Canadiens, nous nous proposons de suivre une route opposée : c’est sur l’histoire des Français venus dans ce pays et de leurs descendans, sur l’histoire de nos ancêtres, que nous voulons nous étendre, bien plus que sur celle des aborigènes. Ces derniers figureront, il est vrai, dans l’Histoire du Canada, jusqu’à une certaine époque, par leurs guerres, leurs négociations, leurs traités d’alliance ou de paix, en un mot, par leurs relations politiques avec les autorités et les habitans civilisés de la colonie ; mais il n’y sera parlé de leurs mœurs et de leurs usages qu’en passant, et indirectement, parce que ces choses ont cessé d’être parmi nous des objets de curiosité.

Une partie de l’Histoire du Canada, telle que nous la voulons donner à nos lecteurs, est à peu près faite : il ne s’agira, pour ainsi dire, que de retrancher de « l’Histoire de la Nouvelle France » des détails minutieux et assez souvent hors du sujet, qui en rendent la lecture ennuyeuse et rebutante pour la plupart des lecteurs. L’autre partie est encore à faire : avant de l’entreprendre, nous consulterons nos forces, suivant l’avis d’Horace et de Despréaux, et si elles ne nous paraissent pas suffisantes, nous ne renoncerons point pour cela à la tâche, mais nous solliciterons des secours qui sans doute ne nous seront pas refusés. Tout le monde doit trouver intéressante l’histoire de son pays ; du moins est-ce celle qu’il est le moins permis de ne pas connaître. Nous croirons donc faire une œuvre agréable au public canadien, en consacrant quelques