Page:La Blondine ou avantures nocturnes entre les hommes et les femmes, 1762.djvu/58

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ſaillies du panchant de l’inclination honète, n’eſt pas vivante, elle eſt deja comme morte. Il y a vous dis-je, repondit Ninon à Toinette, des filles qui ſont belles et d’autres qui ſont agréables, la nature forme les belles de ſa main et les agréables ſe forment elles-mêmes avec l’art et l’invention, touchant la beauté il y a pluſieurs opinions, quoi qu’il en ſoit la plûpart tombent d’accord, qu’une fille doit paſſer pour belle, quand elle plait à beaucoup d’hommes ; pour moi Toinette, je ſuis femme et je conclus que celle-là eſt la plus belle qui fait le plus de panchant quand on la voit. Je connois un mari, qui aime ſa femme quoique chaſſieuſe, camuſe et édentée et ne peut paſſer un jour ſans elle, pour la baiſer ; ſon pére l’a pluſieurs fois repris de ſon amour, mais il lui a répondû ; mon père ! regardez ma femme par mes yeux et non par les votres et vous la trouverez la plus aimable du monde ; ce mari avoit auſſi raiſon, parceque ſa femme étoit la ſeule qui pouvoit le faire bander ; il étoit froid devant toute autre et mepriſoit celles qui faiſoient l’admiration de la Cour. Il en eſt presque de même de la taille comme de la beauté, quelques maris aiment les femmes graſſes et repletes, dont les corps ſont pleins de ſuc, et les autres ne cherchent que celles qui ſont plus legéres et moins péſantes. Les françois veulent