Page:La Boétie - Œuvres complètes Bonnefon 1892.djvu/256

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« Quelles noiſes deuniſent plu[s] toſt le cœur des maryes » celles là qui viennent de cauſes incognues & amaſſees peu à peu, & n’ont pas tant de peur de celles qui ſont apparentes & deſquelles on ſçait les occaſions, tant ſoient elles grandes, ainſi ces petites offenſes & noiſes, qui viennent ſans ceſſe, à tous propos, entre le mary 5 & la femme, de quoy peu de gents ſ’apperçoiuent, ce ſont celles là qui gaſtent le plus & deüniſſent la compaignie du mariage.

Philippe le Roy ſ’enamoura d’vne femme de Theſſalie, & l’accufoit on qu’elle l’auoit charmé : dont 10 Olympe meit peine de prendre la garce, & de l’auoir en ſa puiſſance. Or apres l’auoir veuë, elle luy ſembla auoir au viſage quelque beauté agreable, & encor tint elle à la royne pluſieurs propos ſentans ſa femme auiſee & de bonne part. Qu’on ne me face plus cas, 15 ce dit Olympe, de ces rapports & calomnies, car tu as les charmes en toy meſmes. Il n’y a donc point cœur d’homme qui ſe puiſſe deffendre de celle qui eſt « Quels charmes [f]aut à vne [f]ame maryee » ſa femme en bon & loyal mariage, ſi elle pourchaſſe, par vertu & amiables façons, de gaigner ſon amitié, 20 quand elle met ſa race, ſon dot, les charmes & le reſte en ſoy-meſmes.

XXV. Olympe encores, ayant entendu qu’vn ieune homme courtiſan auoit eſpouſé vne belle femme, mais ayant mauuais bruit, ce dit elle : Ceſtuy-là n’a point 25 d’entendement, car il ne fuſt pas ainſi marié des yeux. Auſſi peu ſe doit l’on marier des dons, comme font ceux qui eſpouſent femme, ayants bien conté combien elle apporte, & n’ayants point d’eſgard quelles qualitez elle a pour la compagnie de la vie. 30

XXVI. Socrates vouloit que les enfants quand ils ſe regar-