Page:La Boétie - Œuvres complètes Bonnefon 1892.djvu/267

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meſme que les femmes communes ; ains quand le corps « [Qu]elle faut que [ſoi]ct la fame [m]aryee la nuict. » ne ſe voit point, que lors paraiſſe en elle ſa chaſteté & tout ce qu’elle garde propre à ſon mary, ſa volonté 35 ordonnee, ſon affection.

Platon auertiſſoit les vieux d’auoir honte des ieunes, XLIX. à fin que les ieunes ſe maintinſent en leur endroit auec honte & reuerence : car là où les vieillards ſont effrontez, il ne penſoit pas qu’il ſe peuſt trouuer aux 40 ieunes aucune modeſtie ni diſcretion. Il eſt beſoing que le mary, ſe fouuenant de cela, n’aye honte de perſonne tant que de ſa femme, comme eſtant le lict du mary la vraye eſchole de chaſteté à la femme, & de la voye bien ordonnee. Mais celuy qui iouit de tous 45 ſes plaiſirs, & les deffend à ſa femme, c’eſt ny plus ne moins que celuy qui commande à ſa femme de tenir bon contre les ennemis, auſquels il ſ’eſt rendu luy meſme.

Or, quant à aymer outre meſure les bagues & ioyaux, L. Qu’il ne faut eſtre curieux des bagues & ioyaux, ains faut chaſſer toute ſuperſtuité. 50 ô Eurydice, toy qui as leu ce qu’en a eſcrit Timoxene à Ariſtille, eſſaye toy de le ramenteuoir. Et toy, ô Pollion, ne penſe pas que ta femme ſ’abſtienne de ces curioſitez & exceſſiues defpenfes, ſi elle te voit faire conte ailleurs de pareilles choſes, & prendre plaiſir 55 aux doreures des taſſes, aux peintures des chambres, aux harnois des mulets, aux caperaçons des cheuaux : car il n’eſt pas poſſible de chaſſer du cabinet des femmes la ſuperfluité, ſi elle a prins place bien auant dans le garderobe des hommes. Et pour ton regard, c’eſt 60 maintenant à toy, qui es deſià en aage pour prattiquer la philoſophie, d’agencer ta façon de viure, en te mettant deuant & t’appropriant toutes ces bonnes