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heureuse réminiscence des Géorgiques, et Cicéron, formé à l’école des Grecs, ne manqua pas de traduire cet ouvrage. La Renaissance, dans son besoin de pénétrer en tous sens le génie antique, n’avait point négligé cette partie de la culture hellénique ; il semble, au contraire, qu’elle fut plus particulièrement attirée de ce côté-ci. Le XVIe siècle était le temps des premiers essais d’économie domestique en France. Sous l’influence salutaire des chanceliers Olivier et L’Hospital, on s’était mis à étudier le ménage des champs, comme on disait alors, et il était juste que le charmant traité de Xénophon, retrouvât, après plus de quinze siècles, le même bienveillant accueil que l’antiquité lui avait fait jadis. Si nos pères aimaient l’agriculture, l’idéal de l’honnête homme, qu’ils s’étaient formé à ce contact, avait plus d’un caractère commun avec l’idéal propre à Xénophon. Comme lui, ils aimaient la vertu facile, aimable, cette sagesse enjouée faite de la modération des besoins et de l’honnêteté des désirs, que Xénophon avait prêchée et qu’il affirmait se rencontrer surtout à la campagne, dans un milieu paisible et sain.

De 1516 à 1561, c’est-à-dire depuis qu’il avait vu le jour pour la première fois jusqu’à la célèbre publication d’Henri Estienne, Xénophon eut huit éditions grecques de ses œuvres complètes[1]. À cela il faut joindre trois éditions partielles de l’ Économique, dont deux furent imprimées à Paris[2]. Le succès de ce livre était donc très réel. La Boétie en fut le premier traducteur français. Il est vrai d’ajouter qu’une traduction, faite sur le latin par Me Geofroy Tory de Bourges, avait été précédemment publiée par lui en 1531[3]. De plus, une autre traduction de François de Ferris, médecin de Toulouse, porte la date de 1562[4], ce qui en rend la publication antérieure de près de dix ans à celle de La Boétie, mais il demeure certain néanmoins que la traduction de La Boétie avait été composée avant celle-ci. Sans aucun doute, La Boétie est demeuré le traducteur le plus renommé de l’Économique de Xénophon[5]. Indépendamment de sa constante préoccupation de la fidélité et de la précision, sa

  1. La première parut chez Philippe Junte à Florence (1516, in-f°), et la seconde à Venise chez Alde et André Asulan (1525, in-f°). Plus correcte qui la première, celle-ci servit à une réimpression parue à Florence en 1527, in-f°.
  2. La première parut en 1535, in-4o, chez Jean-Louis Tiletan (ou de Tielt en Gueldre) et la seconde chez Jacques Bogard, 1544, également in-4o.
  3. Économie de Xénophon. C’est-à-dire, Domestiques Institutions et Enseignemens pour bien regir sa famille et augmenter son bien particulier. Jadis composé en Grec par l’ancien autheur Xénophon et translaté de Grec et Latin en langaige françois par Maistre Geofroy Tory de Bourges. Paris, 1531, pet. in-8o. — Quelques exemplaires portent un titre différent.
  4. Le Mesnagier de Xénophon, plus un discours de l’excellence du même autheur à monseigneur Paul de Termes, maréchal de France. Paris, Vincent Sertenas, 1562, in-8o de 84 ff. — Le privilège est daté du 22 novembre 1561 et la préface signée F. de Ferris.
  5. Deux traductions de l’Économique ont été publiées séparément, postérieurement à celle de La Boétie : l’une au xviiie siècle, par Ph. Dumas (Paris, 1768, in-12) ; l’autre, plus récente, date devingt-cinq ans seulement (Économie domestique et rurale par Xénophon, traduction nouvelle d’après le texte grec par V. B. Grenoble, 1863, in-18).