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la vérité, la physionomie presque complète de l’aimable penseur, mais auxquelles il manque un lien d’unité. Ces différentes traductions partielles furent réunies[1], au commencement du siècle suivant, par un compilateur qui devait être sans doute Simon Goulard[2], que nous avons mentionné déjà à l’occasion de la publication du Contr’un. Ainsi rapprochées, ces pièces formèrent un volume publié par l’imprimeur genevois Pyramus de Candole[3]. Le collecteur déclare que ses prédécesseurs sont « dignes de louange », et il ne cache point qu’il les a « suivis en leur version », changeant seulement ce qu’il jugeait convenable. Pour La Boétie, dont la traduction de l’Économique a été reproduite, le style en a été maladroitement rajeuni et parfois au détriment de l’exactitude. En somme, Xénophon méritait un plus solennel hommage et ses traducteurs avaient droit à de plus habiles égards.

Les opuscules poétiques de La Boétie sont moins importants à considérer que ses traductions, surtout si l’on s’en tient uniquement à ses vers français. À peine sont-ils « dix ou douze » dans le modeste petit recueil de 1571, et pourtant Montaigne a rassemblé « vert et sec tout ce qui lui est venu entre mains, sans choix et sans triage ». Il voulait les imprimer en même temps que les autres productions de son ami, mais les critiques qu’il consulta sans doute auparavant crurent ces vers trop imparfaits, et la publication en fut « différée après le reste de ses œuvres, sous couleur de ce que, par delà (au delà de la Loire), on ne les trouvoit pas assez limez pour estre mis en lumière »[4]. Peut-être alors Montaigne, en homme avisé, leur donna-t-il ce dernier coup de lime, dont ils manquaient aux yeux des délicats. La fraude serait trop pieuse pour qu’il soit possible d’en vouloir beaucoup à son auteur. Six des sonnets imprimés par Montaigne sont arrivés jusqu’à nous par un autre chemin. Jean-Antoine de Baïf, qui connaissait La Boétie avant Montaigne, les a insérés, en 1571, au second livre de ses Diverses amours,

  1. Les œuvres de Xénophon, doute philosophe et valeureux capitaine athénien. Nouvellement traduites en français, recueillies toutes en un volume, et dédiées au Roy, par Pyramus de Caudole. À Cologny, par Pierre Aubert, pour la Societé Caldorienne, 1613, in-folio. — L’Économique, qui occupe les pages 611-652, est imprimé comme cinquième livre des Mémorables.
  2. C’est ce que font supposer les lettres S. G. S. (Simon Goulard, Senlisien) du privilège, daté du 5 octobre 1612. Goulard a signé ainsi quelques-unes de ses nombreuses publications.
  3. L’établissement typographique, que Pyramus de Candole avait dénommé « Société Helvétiale Caldorienne ou Caldoresque », était établi alors à Cologny, près de Genève. Plus tard, en 1616, lorsque Pyramus de Candole transporta son imprimerie à Yverdon, il donna une édition nouvelle de Xénophon (Yverdon, 1619, in-8o). La Boétie y occupe les pages 964-1030.
  4. Le titre même du recueil des opuscules de La Boétie annonce les vers français, qui ne s’y trouvent point. L’impression n’en fut cependant pas beaucoup retardée. L’achevé d’imprimer des traductions et des vers latins est daté du 24 novembre 1570 et le permis du 28 octobre de la même année. La préface mise par Montaigne aux vers français est du 1er septembre 1570 et nous savons que ceux-ci virent le jour dès 1571, puisque quelques exemplaires portent cette date.