Page:La Boétie - Discours de la servitude volontaire.djvu/133

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l’a toléré, et encore le lieutenant du Roi(¹), qui y a été envoyé, les y a vus, et confia et remit l’affaire au bon plaisir de Sa Majesté. Se sont-ils contentés de cela ? On vit lors, qu’à toute bride ils se sont laissés aller à leurs passions et nous ont accoutumés à voir et souffrir, en moins d’un an, ce que la couronne de France n’avait souffert de ses sujets en mille ans qu’il y a qu’elle est établie ; et ç’a été pour nous enseigner que les folles têtes, si on les laisse un peu envieillir en leurs folies, ne se peuvent pas après gagner par l’indulgence, mais reprendre et contenir par la punition.

Mais [s’]ils vivront plus paisiblement quand ils sauront que le roi a permis à chacun de vivre en sa doctrine, on se trompe. Ils ont tous pensé cela longtemps y a et cela leur a donné l’audace de faire toutes ces folies, auxquelles ils n’eussent jamais pensé s’ils eussent cru que le Roi se fut à bon escient courroucé de voir ériger en France un nouvel ordre d’Église.

Aussi c’est une vaine fantaisie, et vraiment un songe, d’espérer concorde et amitié entre ceux qui tout fraîchement ne viennent que de se tirer et se départir de cette querelle, que l’une estime l’autre infidèle et idolâtre. C’est une noise qui se réveille toujours, en la conversation ordinaire, par la dispute, pour l’usage des ordonnances