Page:La Boétie - Discours de la servitude volontaire.djvu/30

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utopie. La vie et le contact des hommes eussent fait leur œuvre naturelle et attiédi son ardeur comme elles eussent tempéré son impulsion. C’est pour cela que Montaigne, modéré et assagi par l’âge, s’essaie à rajeunir La Boétie pour prêter moins d’importance à son action. Loin de la surfaire, il l’atténue, adoucissant son acte, préférant laisser son langage sans écho plutôt que de lui prêter une portée excessive et injuste. Là est l’unique raison de son attitude : c’est pourquoi il a préféré se taire que livrer à des commentaires injustifiés et excessifs la Servitude volontaire d’abord, et ensuite le Mémoire sur l’Édit de janvier 1562. Malgré les risques auxquels l’exposait le silence de La Boétie, il aime mieux laisser sa pensée inconnue que permettre qu’on la travestisse : il savait que le temps finirait par la mettre au jour sous son véritable aspect. Et on ne saurait dire que ce calcul ait été trompé, puisque l’œuvre entière de La Boétie a été imprimée sans que Montaigne l’ait laissé fausser.

C’est pourquoi Montaigne laissa le langage de La Boétie ce qu’il était à l’origine : hardi et vigoureux, peu porté vers les innovations de tout genre, comme devait l’être celui d’un futur magistrat, sans sympathie pour les téméraires, même généreux. Déjà on connaissait depuis