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la bataille des trente

pas et traçant dans cette masse un second sillon, ils en écrasent trois autres. En même temps tous les Bretons se précipitent dans la trouée et se jettent sur leurs adversaires. Sous ce choc quatre ou cinq de ces derniers sont encore tués. Knolles et Galverly qui s’obstinent à résister ont la mort sur la tête ; enfin ils se résignent à se rendre. On ne parle point de Crokart : il dut se rendre aussi, car il ne mourut que plus tard, assez piteusement ; un de ses trente doubles roncins le jeta dans un fossé et lui cassa le cou[1].

Quant aux autres champions anglais, à commencer par les plus huppés, messire Jean Plesauton, Ridèle le Gaillard, Helcoq son frère, Rippefort le Vaillant, Richard d’Islande le Fier, sans oublier Hucheton Clarnaban et son fauchart, Thomas Belifort et sa masse d’armes de cent livres, tous malgré leurs fanfaronades s’avouèrent vaincus, demandèrent quartier et suivirent en prisonniers leurs vainqueurs, quand ceux-ci rentrèrent triomphalement, le soir, à Josselin.

Les Bretons dans cette journée ne perdirent, semble-t-il, que trois des leurs : le chevalier Jean Rousselet, les écuyers Geofroi Mellon (ou Moëlon) et Geofroi Poulart. Du côté des Anglais il y aurait eu, selon Froissait, une douzaine de morts. Des survivants de l’un et de l’autre parti, pas un qui ne fût couvert de blessures, beaucoup navrés de plaies énormes. Une quinzaine d’années plus tard, Froissart vit un des trente Bretons de Mi-Voie, Even Charuel, à la table du roi de France Charles V : « Il avait, dit-il, le viaire si détaillé et si découpé (le visage si tailladé et si déchiqueté) qu’il monstroit que la besogne fut bien combatue… Et pour ce qu’il avoit esté l’un des Trente, on l’honoroit sur tous les autres[2]. »

Froissart, en effet, écho fidèle de l’opinion de ses contemporains, ne ménage pas son admiration à la grande lutte de Mi-Voie : c’est à ses yeux « un moult, haut, un moult merveilleux fait d’armes, qu’on ne doit mie oublier, mès le doit on mettre avant, pour tous bacheliers encoragier et exemplier[3]. »

Telle fut la bataille des Trente.

  1. Froissart-Luce, IV, p. 70.
  2. Froissart-Luce IV, p. 115 et 341.
  3. Id. Ibid. p. 110 et 338.