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temps un de ces jolis airs, qui dans la plaine de Thèbes faisaient autrefois courir en foule à ses pieds les Grecs et les Romains.

Mais Votre Majesté peut se figurer quelle fut ma douleur, lorsque je demeurai seul, et que je vis partir successivement pour sa capitale, non seulement tous les Pharaons mes amis, mais encore trois ou quatre petits typhons qui eussent pu du moins charmer ma solitude par leur mine et leur caractère grotesque, quoique ce soit, au fond, du fort petit monde et des gens d’assez méchante compagnie. Je restai pétrifié de cet affront ; aucune plainte ne sortit de ma bouche, mais immobile et l’œil fixe je dévorais mon cœur, comme on disait autrefois dans mon pays. Bref, je ne repris quelque mouvement que le jour seul où l’on m’embarqua pour Gênes.

C’est là que je dus encore faire une longue station, abandonné sans honneur près d’une des portes ; mais je me raidissais contre le malheur ; j’étais déjà endurci par les souffrances passées, et je sus, en attendant que Votre Majesté m’appelât dans sa ville royale, supporter froidement les manques de respect d’un peuple grossier auquel ma figure ni mon costume n’en imposaient aucunement. Je fis plus, je conservai mon impassibilité, aucun mouvement de dédain ne sillonna même mon visage, lorsque un certain savant du pays accourut à moi prétendant me connaître et ne sachant pas voir sur mon front le diadème des rois et les insignes du fils aîné d’Amnon, osa publier que je n’étais qu’une espèce d’intendant ou sous-intendant et soutenir que je m’appellais Ozial, nom inconnu à l’Égypte entière, moi qui suis le roi du peuple obéissant, le soleil gardien des mondes, l’enfant du soleil, Osymandias !

C’est du milieu de telles tribulations, qu’on m’entraîne enfin,