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Page:La Brochure mensuelle, n° 16, avr. 1924.djvu/18

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légitimer les origines de l’État, de confirmer ses pouvoirs, de fortifier sa puissance et, par ricochet, de se faire le complice de ses forfaits.


De qui est composée la Chambre.


Électeur, aurais-tu la naïveté de croire que le Parlement rassemble l’élite de la nation ? penses-tu que la Chambre réunit les gloires de la Science et de l’Art, les illustrations de la Pensée, les compétences de l’Industrie, du Commerce et de l’Agriculture, les probités (?) de la Finance ? Estimes-tu que le redoutable pouvoir de gouverner un peuple de quarante millions d’habitants est dévolu aux plus honnêtes et aux plus méritants ?

Si oui, détrompe-toi. Promène tes regards sur les travées de la Chambre et vois par quels gens elles sont occupées : avocats sans cause, médecins sans clientèle commerçants douteux, industriels sans connaissances spéciales, journalistes sans talent, financiers sans scrupules, désœuvrés et riches sans occupations définies.

Tout ce monde intrigue, bavarde, marchande, agiote, fait des affaires, se démène, se bouscule et court à la recherche des plaisirs, de la richesse et des sinécures grassement rétribuées.

Cela t’étonne, électeur candide ? Une minute de réflexion dissipera ta surprise. Demande-toi comment il se fait que X, Y ou Z soient députés.

Leur siège est-il la récompense des mérites manifestes, des actions d’éclat, du bien accompli, des services rendus, qui les ont recommandés à l’estime et à la confiance publiques ?

Est-il le salaire équitable des connaissances spéciales qu’ils ont acquises, des hautes études dont ils ont parcouru le cycle brillant, de l’expérience que leur vaut une existence toute de labeur ?

A-t-on exigé d’eux, comme des professeurs, des pharmaciens, des ingénieurs, des examens, des diplômes, l’admission dans certaines écoles, le stage réglementaire ?

Regarde : celui-ci doit son mandat à l’argent ; celui-là à l’intrigue ; ce troisième à la candidature officielle ; ce quatrième à l’appui d’un journal dont il a engraissé la caisse ; cet autre au vin, au cidre, à la bière ou à l’alcool dont il a empli le gosier de ses mandants ; ce vieux aux coquetteries complaisantes de sa jeune femme ; ce jeune aux promesses éblouissantes qu’il a prodiguées de palmes, de bureaux de tabacs, de places et de recommandations ; tous à des procédés plus ou moins louches qui n’ont aucun rapport avec le mérite ou le talent ; tous, de toutes façons, au nombre de suffrages qu’ils ont obtenus.

Et le nombre, n’a rien à voir avec le mérite, le courage, la probité, le caractère, l’intelligence, le savoir, les services rendus, les actions d’éclat. La majorité des suffrages ne consacre ni la valeur morale, ni la supériorité intellectuelle, ni la Justice, ni la Raison.

On serait autorisé à dire que c’est plutôt le contraire.

Soyons justes : quelques hommes supérieurs se sont, de temps à autre, fourvoyés dans ces mauvais lieux ; mais c’est le très petit nombre, ils n’ont pas tardé à s’y trouver dépay-