Aller au contenu

Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 1.djvu/182

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

personnes sages de ne pas donner sans témoin de l’argent à leurs créanciers, il l’a pour en recevoir de ses débiteurs. On le voit quereller son valet, dans le plus grand froid de l’hiver, pour ne lui avoir pas acheté des concombres. S’il s’avise un jour de faire exercer ses enfants à la lutte ou à la course, il ne leur permet pas de se retirer qu’ils ne soient tout en sueur et hors d’haleine. Il va cueillir lui-même des lentilles, les fait cuire, et oubliant qu’il y a mis du sel, il les sale une seconde fois, de sorte que personne n’en peut goûter. Dans le temps d’une pluie incommode, et dont tout le monde se plaint, il lui échappera de dire que l’eau du ciel est une chose délicieuse ; et si on lui demande par hasard combien il a vu emporter de morts par la porte Sacrée : "Autant, répond-il, pensant peut-être à de l’argent ou à des grains, que je voudrais que vous et moi en puissions avoir."