Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 1.djvu/189

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extraordinaire, il n’ose plus se servir de son sac et s’en défait. Son faible encore est de purifier sans fin la maison qu’il habite, d’éviter de s’asseoir sur un tombeau, comme d’assister à des funérailles, ou d’entrer dans la chambre d’une femme qui est en couche ; et lorsqu’il lui arrive d’avoir pendant son sommeil quelque vision, il va trouver les interprètes des songes, les devins et les augures, pour savoir d’eux à quel dieu ou à quelle déesse il doit sacrifier. Il est fort exact à visiter, sur la fin de chaque mois, les prêtres d’Orphée, pour se faire initier dans ses mystères ; il y mène sa femme ; ou si elle s’en excuse par d’autres soins, il y fait conduire ses enfants par une nourrice. Lorsqu’il marche par la ville, il ne manque guère de se laver toute la tête avec l’eau des fontaines qui sont dans les places ; quelquefois il a recours à des prêtresses, qui le purifient d’une autre manière, en liant et étendant autour de son corps un petit chien ou de la squille. Enfin, s’il voit un homme frappé d’épilepsie, saisi d’horreur, il crache dans son propre sein, comme pour rejeter le malheur de cette rencontre.