Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 1.djvu/257

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dans toute la lecture de cet ouvrage, que ce sont les caractères ou les mœurs de ce siècle que je décris ; car bien que je les tire souvent de la cour de France et des hommes de ma nation, on ne peut pas néanmoins les restreindre à une seule cour, ni les renfermer en un seul pays, sans que mon livre ne perde beaucoup de son étendue et de son utilité, ne s’écarte du plan que je me suis fait d’y peindre les hommes en général, comme des raisons qui entrent dans l’ordre des chapitres et dans une certaine suite insensible des réflexions qui les composent. Après cette précaution si nécessaire, et dont on pénètre assez les conséquences, je crois pouvoir protester contre tout chagrin, toute plainte, toute maligne interprétation, toute fausse application et toute censure, contre les froids plaisants et les lecteurs mal intentionnés : il faut savoir lire, et ensuite se taire, ou pouvoir rapporter ce qu’on a lu, et ni plus ni moins que ce qu’on a lu ; et si on le peut quelquefois, ce n’est pas assez, il faut encore le vouloir faire : sans ces conditions, qu’un auteur exact et scrupuleux