Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 1.djvu/331

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elles y regrettaient la comédie. Autres temps, autres mœurs : elles outrent l’austérité et la retraite ; elles n’ouvrent plus les yeux qui leur sont donnés pour voir ; elles ne mettent plus leurs sens à aucun usage ; et chose incroyable ! elles parlent peu ; elles pensent encore et assez bien d’elles-mêmes, comme assez mal des autres ; il y a chez elles une émulation de vertu et de réforme qui tient quelque chose de la jalousie ; elles ne haïssent pas de primer dans ce nouveau genre de vie, comme elles faisaient dans celui qu’elles viennent de quitter par politique ou par dégoût. Elles se perdaient gaiement par la galanterie, par la bonne chère et par l’oisiveté ; et elles se perdent tristement par la présomption et par l’envie.


44 (VII)


Si j’épouse, Hermas, une femme avare, elle ne me ruinera point ; si une joueuse, elle pourra s’enrichir ; si une savante, elle saura m’instruire ; si une prude, elle ne sera point emportée ; si une emportée, elle exercera ma patience ; si une coquette, elle voudra me plaire ; si une galante, elle le sera peut-être jusqu’à m’aimer ; si une dévote, répondez, Hermas, que dois-je attendre de celle qui veut tromper Dieu, et qui se trompe elle-même ?


45 (IV)


Une femme est aisée à gouverner, pourvu que ce soit un homme qui s’en donne la peine. Un seul même en gouverne plusieurs ; il cultive leur