Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 1.djvu/333

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conduite sous les dehors de la modestie ; et tout ce que chacune a pu gagner par une continuelle affectation, et qui ne s’est jamais démentie, a été de faire dire de soi : On l’aurait prise pour une vestale.


47 (IV)


C’est dans les femmes une violente preuve d’une réputation bien nette et bien établie, qu’elle ne soit pas même effleurée par la familiarité de quelques-unes qui ne leur ressemblent point ; et qu’avec toute la pente qu’on a aux malignes explications, on ait recours à une tout autre raison de ce commerce qu’à celle de la convenance des mœurs.


48 (VII)


Un comique outre sur la scène ses personnages ; un poète charge ses descriptions ; un peintre qui fait d’après nature force et exagère une passion, un contraste, des attitudes ; et celui qui copie, s’il ne mesure au compas les grandeurs et les proportions, grossit ses figures, donne à toutes les pièces qui entrent dans l’ordonnance de son tableau plus de volume que n’en ont celles de l’original : de même la pruderie est une imitation de la sagesse.

Il y a une fausse modestie qui est vanité, une fausse gloire qui est légèreté, une fausse grandeur qui est petitesse ; une fausse vertu qui est hypocrisie, une fausse sagesse qui est pruderie.

Une femme prude paye de maintien et de parole ; une femme sage paye de conduite. Celle-là suit son humeur et sa complexion, celle-ci sa raison et son cœur. L’une est sérieuse et austère ; l’autre