Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 1.djvu/439

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leur parler des abois et de la curée, et il court s’asseoir avec les autres pour juger.


II (V)


Quel est l’égarement de certains particuliers, qui riches, du négoce de leurs pères, dont ils viennent de recueillir la succession, se moulent sur les princes pour leur garde-robe et pour leur équipage, excitent, par une dépense excessive et par un faste ridicule ; les traits et la raillerie de toute une ville, qu’ils croient éblouir, et se ruinent ainsi à se faire moquer de soi !

Quelques-uns n’ont pas même le triste avantage de répandre leurs folies plus loin que le quartier où ils habitent : c’est le seul théâtre de leur vanité. L’on ne sait point dans l’Ile qu’André brille au Marais, et qu’il y dissipe son patrimoine : du moins, s’il était connu dans toute la ville et dans ses faubourgs, il serait difficile qu’entre un si grand nombre de citoyens qui ne savent pas tous juger sainement de toutes choses, il ne s’en trouvât quelqu’un qui dirait de lui : Il est magnifique, et qui lui tiendrait compte des régals qu’il fait à Xanthe et à Ariston, et des fêtes qu’il donne à Elamire ; mais il se ruine obscurément : ce n’est qu’en faveur de