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Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 1.djvu/457

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20 (IV)


Un homme de la cour qui n’a pas un assez beau nom, doit l’ensevelir sous un meilleur ; mais s’il l’a tel qu’il ose le porter, il doit alors insinuer qu’il est de tous les noms le plus illustre, comme sa maison de toutes les maisons la plus ancienne : il doit tenir aux Princes Lorrains, aux Rohans, aux Chastillons, aux Montmorencis, et, s’il se peut, aux Princes Du Sang ; ne parler que de ducs, de cardinaux et de ministres ; faire entrer dans toutes les conversations ses aïeuls paternels et maternels, et y trouver place pour l’oriflamme et pour les croisades ; avoir des salles parées d’arbres généalogiques, d’écussons chargés de seize quartiers, et de tableaux de ses ancêtres et des alliés de ses ancêtres ; se piquer d’avoir un ancien château à tourelles, à créneaux et à mâchecoulis ; dire en toute rencontre : ma race, ma branche, mon nom et mes armes ; dire de celui-ci qu’il n’est pas homme de qualité ; de celle-là, qu’elle n’est pas demoiselle ; ou si on lui dit qu’Hyacinthe a eu le gros lot, demander s’il est gentilhomme. Quelques-uns riront de ces contre-temps, mais il les laissera rire ; d’autres en feront des contes, et il leur permettra de conter : il dira toujours qu’il marche après la maison régnante ; et à force de le dire, il sera cru.


2I (IV)


C’est une grande simplicité que d’apporter à la cour la moindre roture, et de n’y être pas gentilhomme.