Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 1.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le mariage de ses enfants, l’union avec ses voisins, la paix dans sa famille. Rien n’est plus opposé à nos mœurs que toutes ces choses ; mais l’éloignement des temps nous les fait goûter, ainsi que la distance des lieux nous fait recevoir tout ce que les diverses relations ou les livres de voyages nous apprennent des pays lointains et des nations étrangères.

Ils racontent une religion, une police, une manière de se nourrir, de s’habiller, de bâtir et de faire la guerre, qu’on ne savait point, des mœurs que l’on ignorait. Celles qui approchent des nôtres nous touchent, celles qui s’en éloignent nous étonnent ; mais toutes nous amusent. Moins rebutés par la barbarie des manières et des coutumes de peuples si éloignés, qu’instruits et même réjouis par leur nouveauté, il nous suffit que ceux dont il s’agit soient Siamois, Chinois, Nègres ou Abyssins.

Or ceux dont Théophraste nous peint les mœurs dans ses Caractères étaient Athéniens, et nous sommes Français ; et si nous joignons à la diversité des lieux et du climat le long intervalle des temps, et que nous considérions que ce livre a pu être écrit la dernière année de la CXVe olympiade, trois cent quatorze ans avant l’ère chrétienne, et