Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 1.djvu/95

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publiques ; ici il s’entretenait avec les étrangers ; ailleurs les philosophes tantôt enseignaient leur doctrine, tantôt conféraient avec leurs disciples. Ces lieux étaient tout à la fois la scène des plaisirs et des affaires. Il y avait dans ces mœurs quelque chose de simple et de populaire, et qui ressemble peu aux nôtres, je l’avoue ; mais cependant quels hommes en général que les Athéniens, et quelle ville qu’Athènes ! quelles lois ! quelle police ! quelle valeur ! quelle discipline ! quelle perfection dans toutes les sciences et dans tous les arts ! mais quelle politesse dans le commerce ordinaire et dans le langage ! Théophraste, le même Théophraste dont l’on vient de dire de si grandes choses, ce parleur agréable, cet homme qui s’exprimait divinement, fut reconnu étranger et appelé de ce nom par une simple femme de qui il achetait des herbes au marché, et qui reconnut, par je ne sais quoi d’attique qui lui manquait et que les Romains ont depuis appelé urbanité, qu’il n’était pas Athénien ; et Cicéron rapporte que ce grand personnage demeura étonné de voir qu’ayant vieilli dans Athènes, possédant si parfaitement le langage attique et en ayant acquis l’accent par une habitude de tant d’années, il ne s’était pu donner ce que le simple peuple avait naturellement et sans nulle peine. Que si l’on ne laisse pas de lire quelquefois, dans ce traité des Caractères, de certaines mœurs qu’on ne peut excuser