Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/111

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dévoués à d’autres hommes, aux grands à qui ils ont sacrifié, en qui ils ont placé leurs dernières espérances, ils ne les servent point, mais ils les amusent. Les personnes de mérite et de service sont utiles aux grands, ceux-ci leur sont nécessaires ; ils blanchissent auprès d’eux dans la pratique des bons mots, qui leur tiennent lieu d’exploits dont ils attendent la récompense ; ils s’attirent, à force d’être plaisants, des emplois graves, et s’élèvent par un continuel enjouement jusqu’au sérieux des dignités ; ils finissent enfin, et rencontrent inopinément un avenir qu’ils n’ont ni craint ni espéré. Ce qui reste d’eux sur la terre, c’est l’exemple de leur fortune, fatal à ceux qui voudraient le suivre.

97 (I)

L’on exigerait de certains personnages qui ont une fois été capables d’une action noble, héroïque, et qui a été sue de toute la terre, que sans paraître comme épuisés par un si grand effort, ils eussent du moins dans le reste de leur vie cette conduite sage et judicieuse qui se remarque même dans les hommes ordinaires ; qu’ils ne tombassent point dans des petitesses indignes de la haute réputation qu’ils avaient acquise ; que se mêlant moins dans le peuple, et ne lui laissant pas le loisir de les voir de près, ils ne le fissent point passer de la curiosité et de l’admiration à l’indifférence, et peut-être au mépris.

98 (I)

Il coûte moins à certains hommes de s’enrichir