Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/216

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

se repaître que de livres de spiritualité, comme s’il n’y avait ni Evangile, ni Epîtres des Apôtres, ni morale des Pères ; lire ou parler un jargon inconnu aux premiers siècles ; circonstancier à confesse les défauts d’autrui, y pallier les siens ; s’accuser de ses souffrances, de sa patience ; dire comme un péché son peu de progrès dans l’héroïsme ; être en liaison secrète avec de certaines gens contre certains autres ; n’estimer que soi et sa cabale, avoir pour suspecte la vertu même ; goûter, savourer la prospérité et la faveur, n’en vouloir que pour soi, ne point aider au mérite, faire servir la piété à son ambition, aller à son salut par le chemin de la fortune et des dignités : c’est du moins jusqu’à ce jour le plus bel effort de la dévotion du temps. (VII) Un dévot est celui qui sous un roi athée serait athée.

22 (VII)

Les dévots ne connaissent de crimes que l’incontinence, parlons plus précisément, que le bruit ou les dehors de l’incontinence. Si Phérécide passe pour être guéri des femmes, ou Phérénice pour être fidèle à son mari, ce leur est assez : laissez-les jouer un jeu ruineux, faire perdre leurs créanciers, se réjouir du malheur d’autrui et en profiter, idolâtrer les grands, mépriser les petits, s’enivrer de