Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/282

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les figures, le don de la mémoire, la robe ou l’engagement de celui qui prêche, ne sont pas des choses qu’on ose ou qu’on veuille toujours s’approprier. Chacun au contraire croit penser bien, et écrire encore mieux ce qu’il a pensé ; il en est moins favorable à celui qui pense et qui écrit aussi bien que lui. En un mot le sermonneur est plus tôt évêque que le plus solide écrivain n’est revêtu d’un prieuré simple ; et dans la distribution des grâces, de nouvelles sont accordées à celui-là, pendant que l’auteur grave se tient heureux d’avoir ses restes.

28 (VIII)

S’il arrive que les méchants vous haïssent et vous persécutent, les gens de bien vous conseillent de vous humilier devant Dieu, pour vous mettre en garde contre la vanité qui pourrait vous venir de déplaire à des gens de ce caractère ; de même si certains hommes, sujets à se récrier sur le médiocre, désapprouvent un ouvrage que vous aurez écrit, ou un discours que vous venez de prononcer en public, soit au barreau, soit dans la chaire, ou ailleurs, humiliez-vous : on ne peut guère être exposé à une tentation d’orgueil plus délicate et plus prochaine.

29 (IV)

Il me semble qu’un prédicateur devrait faire choix dans chaque discours d’une vérité unique, mais capitale, terrible ou instructive, la manier à fond et l’épuiser ; abandonner toutes ces divisions si recherchées, si retournées, si remaniées et si différenciées ; ne point supposer ce qui est faux, je