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Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/285

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fausse. Or l’esprit fort ou n’a point de religion, ou se fait une religion ; donc l’esprit fort, c’est l’esprit faible.

3 (V)

J’appelle mondains, terrestres ou grossiers ceux dont l’esprit et le cœur sont attachés à une petite portion de ce monde qu’ils habitent, qui est la terre ; qui n’estiment rien, qui n’aiment rien au delà : gens aussi limités que ce qu’ils appellent leurs possessions ou leur domaine, que l’on mesure, dont on compte les arpents, et dont on montre les bornes. Je ne m’étonne pas que des hommes qui s’appuient sur un atome chancellent dans les moindres efforts qu’ils font pour sonder la vérité, si avec des vues si courtes ils ne percent point à travers le ciel et les astres, jusques à Dieu même ; si, ne s’apercevant point ou de l’excellence de ce qui est esprit, ou de la dignité de l’âme, ils ressentent encore moins combien elle est difficile à assouvir, combien la terre entière est au-dessous d’elle, de quelle nécessité lui devient un être souverainement parfait, qui est Dieu, et quel besoin indispensable elle a d’une religion qui le lui indique, et qui lui en est une caution sûre. Je comprends au contraire fort aisément qu’il est