Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/305

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de sa machine préparée par le divers arrangement des parties de la matière, je puis au moins acquiescer à cette doctrine. Mais je pense, et je suis certain que je pense : or quelle proportion y a-t-il de tel ou de tel arrangement des parties de la matière, c’est-à-dire d’une étendue selon toutes ses dimensions, qui est longue, large et profonde, et qui est divisible dans tous ces sens, avec ce qui pense ?

39 (I)

Si tout est matière, et si la pensée en moi, comme dans tous les autres hommes, n’est qu’un effet de l’arrangement des parties de la matière, qui a mis dans le monde toute autre idée que celle des choses matérielles ? La matière a-t-elle dans son fond une idée aussi pure, aussi simple, aussi immatérielle qu’est celle de l’esprit ? Comment peut-elle être le principe de ce qui la nie et l’exclut de son propre être ? Comment est-elle dans l’homme ce qui pense, c’est-à-dire ce qui est à l’homme même une conviction qu’il n’est point matière ? 40 (I)

Il y a des êtres qui durent peu, parce qu’ils sont composés de choses très différentes et qui se nuisent réciproquement. Il y en a d’autres qui durent davantage, parce qu’ils sont plus simples ; mais ils périssent parce qu’ils ne laissent pas d’avoir des parties selon lesquelles ils peuvent être divisés. Ce qui pense en moi doit durer beaucoup, parce que c’est un être pur, exempt de tout mélange et de toute composition ; et il n’y a pas de raison