Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/352

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notre langue les grâces et les richesses de la latine, fait des romans qui ont une fin, en bannit le prolixe et l’incroyable, pour y substituer le vraisemblable et le naturel.

Un autre, plus égal que Marot et plus poète que Voiture, a le jeu, le tour, et la naïveté de tous les deux ; il instruit en badinant, persuade aux hommes la vertu par l’organe des bêtes, élève les petits sujets jusqu’au sublime : homme unique dans son genre d’écrire ; toujours original soit qu’il invente, soit qu’il traduise ; qui a été au delà de ses modèles, modèle lui-même difficile à imiter.

Celui-ci passe Juvénal, atteint Horace, semble créer les pensées d’autrui et se rendre propre tout ce qu’il manie ; il a dans ce qu’il emprunte des autres toutes les grâces de la nouveauté et tout le mérite de l’invention. Ses vers, forts et harmonieux, faits de génie, quoique travaillés avec art, pleins de traits et de poésie, seront lus encore quand la langue aura vieilli, en seront les derniers débris : on y remarque une critique sûre, judicieuse et