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Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/45

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hommes, dit-il, c’étaient des ministres. » Il débite ses nouvelles, qui sont toutes les plus tristes et les plus désavantageuses que l’on pourrait feindre : tantôt un parti des nôtres a été attiré dans une embuscade et taillé en pièces ; tantôt quelques troupes renfermées dans un château se sont rendues aux ennemis à discrétion, et ont passé par le fil de l’épée ; et si vous lui dites que ce bruit est faux et qu’il ne se confirme point, il ne vous écoute pas, il ajoute qu’un tel général a été tué ; et bien qu’il soit vrai qu’il n’a reçu qu’une légère blessure, et que vous l’en assuriez, il déplore sa mort, il plaint sa veuve, ses enfants, l’Etat ; il se plaint lui-même : il a perdu un bon ami et une grande protection. Il dit que la cavalerie allemande est invincible ; il pâlit au seul nom des cuirassiers de l’Empereur. « Si l’on attaque cette place, continue-t-il, on lèvera le siège. Ou l’on demeurera sur la défensive sans livrer de combat ; ou si on le livre, on le doit perdre ; et si on le perd, voilà l’ennemi sur la frontière. » Et comme Démophile le fait voler, le voilà dans le cœur du royaume : il entend déjà sonner le beffroi des villes, et crier à l’alarme ; il songe à son bien et à ses terres : où conduira-t-il son argent, ses meubles, sa famille ? où se réfugiera-t-il ? en Suisse ou à Venise ?

Mais, à ma gauche, Basilide met tout d’un coup sur pied une armée de trois cent mille hommes ; il