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Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/57

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sur vos descendants pour le soin de votre mémoire et pour la durée de votre nom : les titres passent, la faveur s’évanouit, les dignités se perdent, les richesses se dissipent, et le mérite dégénère. Vous avez des enfants, il est vrai, dignes de vous, j’ajoute même capables de soutenir toute votre fortune ; mais qui peut vous en promettre autant de vos petits-fils ? Ne m’en croyez pas, regardez cette unique fois de certains hommes que vous ne regardez jamais, que vous dédaignez : ils ont des aïeuls, à qui, tout grands que vous êtes, vous ne faites que succéder. Ayez de la vertu et de l’humanité ; et si vous me dites : « Qu’aurons-nous de plus ? » je vous répondrai : « De l’humanité et de la vertu. » Maîtres alors de l’avenir, et indépendants d’une postérité, vous êtes sûrs de durer autant que la monarchie ; et dans le temps que l’on montrera les ruines de vos châteaux, et peut-être la seule place où ils étaient construits, l’idée de vos louables actions sera encore fraîche dans l’esprit des peuples ; ils considéreront avidement vos portraits et vos médailles ; ils diront : « Cet homme dont vous regardez la peinture a parlé à son maître avec force et avec liberté, et a plus craint de lui nuire que de lui déplaire ; il lui a permis d’être bon et bienfaisant, de dire de ses villes : Ma bonne ville, et de son peuple : Mon peuple. Cet