Page:La Bruyère - Les Caractères, Flammarion, 1880.djvu/142

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Un homme fort riche peut manger des entremets, faire peindre ses lambris et ses alcôves, jouir d’un palais à la campagne et d’un autre à la ville, avoir un grand équipage, mettre un duc dans sa famille, et faire de son fils un grand seigneur : cela est juste et de son ressort ; mais il appartient peut-être à d’autres de vivre contents.

2 (I)

Une grande naissance ou une grande fortune annonce le mérite, et le fait plus tôt remarquer.

3 (IV)

Ce qui disculpe le fat ambitieux de son ambition est le soin que l’on prend, s’il a fait une grande fortune, de lui trouver un mérite qu’il n’a jamais eu, et aussi grand qu’il croit l’avoir.

4 (I)

À mesure que la faveur et les grands biens se retirent d’un homme, ils laissent voir en lui le ridicule qu’ils couvraient, et qui y était sans que personne s’en aperçût.

5 (I)

Si l’on ne le voyait de ses yeux, pourrait-on jamais s’imaginer l’étrange disproportion que le plus ou le moins de pièces de monnaie met entre les hommes ?

Ce plus ou ce moins détermine à l’épée, à la robe ou à l’Eglise : il n’y a presque point d’autre vocation.

6 (VI)

Deux marchands étaient voisins et faisaient le même commerce, qui ont eu dans la suite une fortune toute différente. Ils avaient chacun une fille unique ; elles ont été nourries ensemble, et ont vécu dans cette familiarité que donnent un même âge et une même condition : l’une des deux, pour se tirer d’une extrême misère, cherche à se placer ; elle entre au service d’une fort grande dame et l’une des premières de la cour, chez sa compagne.

7 (VII)

Si le financier manque son coup, les courtisans disent de lui : « C’est un bourgeois, un homme de rien, un malotru » ; s’il réussit, ils lui demandent sa fille.

8 (VI)