Page:La Bruyère - Les Caractères, Flammarion, 1880.djvu/266

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1 (I)

Rien ne ressemble plus à la vive persuasion que le mauvais entêtement : de là les partis, les cabales, les hérésies.

2 (I)

L’on ne pense pas toujours constamment d’un même sujet : l’entêtement et le dégoût se suivent de près.

3 (I)

Les grandes choses étonnent, et les petites rebutent ; nous nous apprivoisons avec les unes et les autres par l’habitude.

4 (IV)

Deux choses toutes contraires nous préviennent également, l’habitude et la nouveauté.

5 (I)

Il n’y a rien de plus bas, et qui convienne mieux au peuple, que de parler en des termes magnifiques de ceux mêmes dont l’on pensait très modestement avant leur élévation.

6 (I)

La faveur des princes n’exclut pas le mérite, et ne le suppose pas aussi.

7 (I)

Il est étonnant qu’avec tout l’orgueil dont nous sommes gonflés, et la haute opinion que nous avons de nous-mêmes et de la bonté de notre jugement, nous négligions de nous en servir pour prononcer sur le mérite des autres. La vogue, la faveur populaire, celle du Prince, nous entraînent comme un torrent : nous louons ce qui est loué, bien plus que ce qui est louable.

8 (V)

Je ne sais s’il y a rien au monde qui coûte davantage à approuver et à louer que ce qui est plus digne d’approbation et de louange, et si la vertu, le mérite, la beauté, les bonnes actions, les beaux ouvrages, ont un effet plus naturel et plus sûr que envie, la jalousie, et l’antipathie. Ce n’est pas d’un saint dont un dévot sait dire du bien, mais d’un autre dévot. Si une belle femme approuve la