Page:La Bruyère - Les Caractères, Flammarion, 1880.djvu/268

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de la paix et de la guerre aurait-on dû se passer ! À quel point de perfection et de raffinement n’a-t-on pas porté de certains arts et de certaines sciences qui ne devaient point être nécessaires, et qui sont dans le monde comme des remèdes à tous les maux dont notre malice est l’unique source !

Que de choses depuis Varron, que Varron a ignorées ! Ne nous suffirait-il pas même de n’être savant que comme Platon ou comme Socrate ?

I2 (I)

Tel à un sermon, à une musique, ou dans une galerie de peintures, a entendu à sa droite et à sa gauche, sur une chose précisément la même, des sentiments précisément opposés. Cela me ferait dire volontiers que l’on peut hasarder, dans tout genre d’ouvrages, d’y mettre le bon et le mauvais : le bon plaît aux uns, et le mauvais aux autres. L’on ne risque guère davantage d’y mettre le pire : il a ses partisans.

I3 (IV)

Le phénix de la poésie chantante renaît de ses cendres ; il a vu mourir et revivre sa réputation en un même jour. Ce juge même si infaillible et si ferme dans ses jugements, le public, a varié sur son sujet : ou il se trompe, ou il s’est trompé. Celui qui prononcerait aujourd’hui que Q** en un certain genre est mauvais poète, parlerait presque aussi mal que s’il eût dit il y a quelque temps : Il est bon poète.

I4 (IV)

C. P. était fort riche, et C. N. ne l’était pas : la Pucelle et Rodogune méritaient chacune une autre aventure. Ainsi l’on a toujours demandé pourquoi, dans telle ou telle profession, celui-ci avait fait sa fortune, et cet autre l’avait manquée ; et en cela les hommes cherchent la raison de leurs propres caprices, qui dans les conjonctures pressantes de leurs affaires, de leurs plaisirs, de leur santé et de leur vie, leur font souvent laisser les meilleurs et prendre les pires.

I5 (IV)

La condition des comédiens était infâme chez les Romains et honorable chez les Grecs : qu’est-elle chez nous ? On pense d’eux comme les Romains, on vit avec eux comme les Grecs.

I6 (IV)

Il suffisait à Bathylle d’être pantomime pour être couru