Page:La Bruyère - Les Caractères, Flammarion, 1880.djvu/319

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que personne un jour n’en soit surpris : s’il arrive jamais que quelque grand me trouve digne de ses soins, si je fais enfin une belle fortune, il y a un Geoffroy de la Bruyère, que toutes les chroniques rangent au nombre des plus grands seigneurs de France qui suivirent Godefroy de Bouillon à la conquête de la Terre-Sainte : voilà alors de qui je descends en ligne directe.

I5 (I)

Si la noblesse est vertu, elle se perd par tout ce qui n’est pas vertueux ; et si elle n’est pas vertu, c’est peu de chose.

I6 (IV)

Il y a des choses qui, ramenées à leurs principes et à leur première institution, sont étonnantes et incompréhensibles. Qui peut concevoir en effet que certains abbés, à qui il ne manque rien de l’ajustement, de la mollesse et de la vanité des sexes et des conditions, qui entrent auprès des femmes en concurrence avec le marquis et le financier, et qui l’emportent sur tous les deux, qu’eux-mêmes soient originairement et dans l’étymologie de leur nom les pères, et les chefs de saints moines et d’humbles solitaires, et qu’ils en devraient être l’exemple ? Quelle force, quel empire, quelle tyrannie de l’usage ! Et sans parler de plus grands désordres, ne doit-on pas craindre de voir un jour un jeune abbé en velours gris et à ramages comme une éminence, ou avec des mouches et du rouge comme une femme ?

I7 (I)

Que les saletés des Dieux, la Vénus, le Ganymède et les autres nudités du Carrache aient été faites pour des princes de l’Eglise, et qui se disent successeurs des Apôtres, le palais Farnèse en est la preuve.

I8 (I)

Les belles choses le sont moins hors de leur place ; les bienséances mettent la perfection, et la raison met les bienséances. Ainsi l’on n’entend point une gigue à la chapelle, ni dans un sermon des tons de théâtre ; l’on ne voit point d’images profanes dans les temples, un CHRIST par exemple et le Jugement de Paris dans le même sanctuaire, ni à des personnes consacrées à l’Eglise le train et l’équipage d’un cavalier.

I9 (VIII)

Déclarerai-je donc ce que je pense de ce qu’on appelle dans le monde un beau salut, la décoration souvent profane, les places retenues et payées, des livres distribués