Page:La Bruyère - Les Caractères, Flammarion, 1880.djvu/340

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Le discours chrétien est devenu un spectacle. Cette tristesse évangélique qui en est l’âme ne s’y remarque plus : elle est suppléée par les avantages de la mine, par les inflexions de la voix, par la régularité du geste, par le choix des mots, et par les longues énumérations. On n’écoute plus sérieusement la parole sainte : c’est une sorte d’amusement entre mille autres ; c’est un jeu où il y a de l’émulation et des parieurs.

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(IV) L’éloquence profane est transposée pour ainsi dire du barreau, où Le Maître, Pucelle et Fourcroy l’ont fait régner, et où elle n’est plus d’usage, à la chaire, où elle ne doit pas être.

(I) L’on fait assaut d’éloquence jusqu’au pied de l’autel et en la présence des mystères. Celui qui écoute s’établit juge de celui qui prêche, pour condamner ou pour applaudir, et n’est pas plus converti par le discours qu’il favorise que par celui auquel il est contraire. L’orateur plaît aux uns, déplaît aux autres, et convient avec tous en une chose, que, comme il ne cherche point à les rendre meilleurs, ils ne pensent pas aussi à le devenir.

(IV) Un apprenti est docile, il écoute son maître, il profite de ses leçons, et il devient maître. L’homme indocile critique le discours du prédicateur, comme le livre du philosophe, et il ne devient ni chrétien ni raisonnable.

3 (I)

Jusqu’à ce qu’il revienne un homme qui, avec un style nourri des saintes Ecritures, explique au peuple la parole divine uniment et familièrement, les orateurs et les déclamateurs seront suivis.

4 (I)

Les citations profanes, les froides allusions, le mauvais pathétique, les antithèses, les figures outrées ont fini : les