Page:La Bruyère - Les Caractères, Flammarion, 1880.djvu/343

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dans les villages pour l’instruction et pour le salut du laboureur ou du vigneron.

8 (I)

C’est avoir de l’esprit que de plaire au peuple dans un sermon par un style fleuri, une morale enjouée, des figures réitérées, des traits brillants et de vives descriptions ; mais ce n’est point en avoir assez. Un meilleur esprit néglige ces ornements étrangers, indignes de servir à l’Evangile : il prêche simplement, fortement, chrétiennement.

9 (I)

L’orateur fait de si belles images de certains désordres, y fait entrer des circonstances si délicates, met tant d’esprit, de tour et de raffinement dans celui qui pèche, que si je n’ai pas de pente à vouloir ressembler à ses portraits, j’ai besoin du moins que quelque apôtre, avec un style plus chrétien, me dégoûte des vices dont l’on m’avait fait une peinture si agréable.

I0 (IV)

Un beau sermon est un discours oratoire qui est dans toutes ses règles, purgé de tous ses défauts, conforme aux préceptes de l’éloquence humaine, et paré de tous les ornements de la rhétorique. Ceux qui entendent finement n’en perdent pas le moindre trait ni une seule pensée ; ils suivent sans peine l’orateur dans toutes les énumérations où il se promène, comme dans toutes les élévations où il se jette : ce n’est une énigme que pour le peuple.

II (IV)

Le solide et l’admirable discours que celui qu’on vient d’entendre ! Les points de religion les plus essentiels, comme les plus pressants motifs de conversion, y ont été traités : quel grand effet n’a-t-il pas dû faire sur l’esprit et dans l’âme de tous les auditeurs ! Les voilà rendus : ils en sont émus et touchés au point de résoudre dans leur cœur, sur ce sermon de Théodore, qu’il est encore plus beau que le dernier qu’il a prêché.

I2 (I)

La morale douce et relâchée tombe avec celui qui la prêche ; elle n’a rien qui réveille et qui pique la curiosité d’un homme du monde, qui craint moins qu’on ne pense une doctrine sévère, et qui l’aime même dans celui qui fait son devoir en l’annonçant. Il semble donc qu’il y ait dans l’Eglise comme deux états qui doivent la partager : celui de dire la vérité dans toute son étendue, sans égards, sans déguisement ; celui de l’écouter avidement, avec goût, avec admiration, avec éloges, et de n’en faire cependant ni pis ni mieux.

I3 (IV)