Page:La Bruyère - Les Caractères, Michallet, 1688.djvu/106

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figue dans leur jardin, de passer au travers de leur champ, de ramasser une petite branche de palmier, ou quelques olives qui seront tombées de l’arbre : ils vont tous les jours se promener sur leurs terres, en remarquent les bornes, voient si l’on n’y a rien changé, et si elles sont toujours les mêmes. Ils tirent intérêt de l’intérêt même, et ce n’est qu’à cette condition qu’ils donnent du temps à leurs créanciers. S’ils ont invité à dîner quelques-uns de leurs amis, et qui ne sont que des personnes du peuple, ils ne feignent point de leur faire servir un simple hachis, et on les a vus souvent aller eux-mêmes au marché pour ces repas, y trouver tout trop cher, et en revenir sans rien acheter : ne prenez pas l’habitude, disent-ils à leurs femmes, de prêter votre sel, votre