Page:La Bruyere - Caracteres ed 1696.djvu/102

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clate, dites-vous ſur les habits de Philémon. Il éclate de meſme chez les marchands. — Il eſt habillé des plus belles étoffes. — Le ſont-elles moins toutes déployées dans les boutiques & à la pièce ? — Mais la broderie & les ornements y ajoutent encore la magnificence. — Je loue donc le travail de l’ouvrier. — Si on luy demande quelle heure il eſt, il tire une montre qui eſt un chef-d’œuvre ; la garde de ſon épée eſt un onyx ; il a au doigt un gros diamant qu’il foit briller aux yeux, & qui eſt parfoit ; il ne luy manque aucune de ces curieuſes bagatelles que l’on porte ſur ſoy autant pour la vanité que pour l’uſage, & il ne ſe plaint non plus toute ſorte de parure qu’un jeune homme qui a épouſé une riche vieille. — Vous m’inſpirez enfin de la curioſité il faut voir du moins des choſes ſi précieuſes : envoyez-moi cet habit & ces bijoux de Philémon ; je vous quitte de la perſonne. Tu te trompes, Philémon, ſi avec ce carroſſe brillant, ce grand nombre de coquins qui te ſuivent, & ces ſix beſtes qui te traînent, tu penſes que l’on t’en eſtime davantage : l’on écarte tout cet attirail qui t’eſt étranger, pour pénétrer juſques à toy, qui n’es qu’un fat. Ce n’eſt pas qu’il faut quelquefois pardonner à celuy qui, avec un grand cortège, un habit riche & un magnifique équipage, s’en croit plus de naiſſance & plus d’eſprit : il lit cela dans la contenance & dans les yeux de ceux qui luy parlent.

28. — Un homme à la cour, & ſouvent à la ville, qui a un long manteau de ſoye ou de drap de Hollande, une ceinture large & placée haut ſur l’eſtomac, le ſoulier de maroquin, la calotte de meſme, d’un beau grain, un collet bien foit & bien empeſé, les cheveux arrangez & le teint