Page:La Bruyere - Caracteres ed 1696.djvu/124

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

autre goût que celuy d’exercer leur mémoire ? Mais à quelque cauſe que les hommes puiſſent devoir cette ignorance des femmes, ils ſont heureux que les femmes, qui les dominent d’ailleurs par tant d’endroits, aient ſur eux cet avantage de moins. On regarde une femme ſavante comme on foit u une belle arme : elle eſt ciſelée artiſtement, d’une poliſſure admirable & d’un travail fort recherché ; c’eſt une pièce de cabinet, que l’on montre aux curieux, qui n’eſt pas d’uſage, qui ne ſert ni à la guerre ni à la chaſſe, non plus qu’un cheval de manège, quoyque le mieux inſtruit du monde. Si la ſcience & la ſageſſe ſe trouvent unies en un meſme ſujet, je ne m’informe plus du ſexe, j’admire ; & ſi vous me dites qu’une femme ſage ne ſonge guère à eſtre ſavante, ou qu’une femme ſavante n’eſt guère ſage, vous avez déjà oublié ce que vous venez de lire, que les femmes ne ſont détournées des ſciences que par de certains défauts : concluez donc vous-meſme que moins elles auraient de ces défauts, plus elles ſeraient ſages, & qu’ainſi une femme ſage n’en ſeroit que plus propre à devenir ſavante, ou qu’une femme ſavante, n’étant telle que parce qu’elle auroit pu vaincre beaucoup de défauts, n’en eſt que plus ſage.

50. — La neutralité entre de femmes qui nous ſont également amies, quoyqu’elles aient rompu pour des intéreſts où nous n’avons nulle part, eſt un point difficyle : il faut choiſir ſouvent entre elles, ou les perdre toutes deux.

51. — Il y a telle femme qui aime mieux ſon argent que ſes amis, & ſes amants que ſon argent.

52. — Il eſt étonnant de voir dans le cœur de certaines femmes