Page:La Bruyere - Caracteres ed 1696.djvu/32

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les tavernes, parcourir les lieux où l'on débite le poisson frais ou salé, et consumer ainsi en bonne chère tout le profit qu'ils tirent de cette espèce de trafic. En un mot, ils sont querelleux et difficiles, ont sans cesse la bouche ouverte à la calomnie, ont une voix étourdissante, et qu'ils font retentir dans les marchés et dans les boutiques. Du grand parleur

Ce que quelques-uns appellent babil est proprement une intempérance de langue qui ne permet pas à un homme de se taire. «Vous ne contez pas la chose comme elle est, dira quelqu'un de ces grands parleurs à quiconque veut l'entretenir de quelque affaire que ce soit: j'ai tout su, et si vous vous donnez la patience de m'écouter, je vous apprendrai tout»; et si cet autre continue de parler: «Vous avez déjà dit cela; songez, poursuit-il, à ne rien oublier. Fort bien; cela est ainsi, car vous m'avez heureusement remis dans le fait: voyez ce que c'est que de s'entendre les uns les autres»; et ensuite: «Mais que veux-je dire? Ah! j'oubliais une chose! oui, c'est cela même, et je voulais voir si vous tomberiez juste dans tout ce que j'en ai appris.» C'est par de telles ou semblables interruptions qu'il ne donne pas de loisir à celui qui lui parle de respirer; et lorsqu'il a comme assassiné de son babil chacun de ceux qui ont voulu lier avec lui quelque entretien, il va se jeter dans un cercle de personnes graves qui traitent ensemble de choses sérieuses, et les met en fuite. De là il entre dans les écoles publiques et dans