Page:La Bruyere - Caracteres ed 1696.djvu/60

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Et s'il se laisse prévenir contre une personne d'une condition privée, de qui il croie avoir reçu quelque injure: «Cela, dit-il, ne se peut souffrir, et il faut que lui ou moi abandonnions la ville.» Vous le voyez se promener dans la place, sur le milieu du jour, avec les ongles propres, la barbe et les cheveux en bon ordre, repousser fièrement ceux qui se trouvent sur ses pas, dire avec chagrin aux premiers qu'il rencontre que la ville est un lieu où il n'y a plus moyen de vivre, qu'il ne peut plus tenir contre l'horrible foule des plaideurs, ni supporter plus longtemps les longueurs, les crieries et les mensonges des avocats; qu'il commence à avoir honte de se trouver assis, dans une assemblée publique ou sur les tribunaux, auprès d'un homme mal habillé, sale, et qui dégoûte, et qu'il n'y a pas un seul de ces orateurs dévoués au peuple qui ne lui soit insupportable. Il ajoute que c'est Thésée qu'on peut appeler le premier auteur de tous ces maux; et il fait de pareils discours aux étrangers qui arrivent dans la ville, comme à ceux avec qui il sympathise de moeurs et de sentiments. D'une tardive instruction

Il s'agit de décrire quelques inconvénients où tombent ceux qui, ayant méprisé dans leur jeunesse les sciences et les exercices, veulent réparer cette négligence dans un âge avancé par un travail souvent inutile. Ainsi un vieillard de soixante ans s'avise d'apprendre des vers par coeur, et de les réciter à table dans un festin, où, la mémoire venant à lui manquer, il a la confusion de