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Page:La Bruyere - Caracteres ed 1696.djvu/69

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figure, par un parallèle, par une ſimple comparaiſon, par un foit tout entier, par un ſeul trait, par une deſcription, par une peinture : de là procède la longueur ou la brièveté de mes réflexions. Ceux enfin qui font des maximes veulent eſtre crus : je conſens, au contraire, que l’on diſe de moy que je n’ai pas quelquefois bien remarqué, pourvu que l’on remarque mieux.


DES OUVRAGES DE L’ESPRIT


1. — Tout eſt dit, & l’on vient trop tard depuis plus de ſept mille ans qu’il y a des hommes & qui penſent. Sur ce qui concerne les mœurs, le plus beau & meilleur eſt enlevé ; l’on ne foit que glaner après les anciens & les habiles d’entre les modernes.

2. — Il faut chercher ſeulement à penſer & à parler juſte, ſans vouloir amener les autres à noſtre goût & à nos ſentiments ; c’eſt une trop grande entrepriſe.

3. — C’eſt un métier que de faire un livre, comme de faire une pendule : il faut plus que de l’eſprit pour eſtre auteur. Un magiſtrat alloit par ſon mérite à la première dignité, il étoit homme délié & pratique dans les affaires : il a foit imprimer un ouvrage moral, qui eſt rare par le ridicule.

4. — Il n’eſt pas ſi aiſé de ſe faire un nom par un ouvrage parfait, que d’en faire valoir un médiocre par le nom qu’on s’eſt déjà acquis.

5. — Un ouvrage ſatirique ou qui contient des faits, qui eſt donné en feuilles ſous le manteau aux conditions d’eſtre rendu de meſme, s’il eſt médiocre, paſſe pour merveilleux ; l’impreſſion eſt l’écueil.

6. —