Page:La Bruyere - Caracteres ed 1696.djvu/83

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c’eſt un concert, ou ce ſont des voix ſoutenues par des inſtruments. C’eſt prendre le change & cultiver un mauvais goût, que de dire, comme l’on fait, que la machine n’eſt qu’un amuſement d’enfants, & qui ne convient qu’aux Marionnettes ; elle augmente & embellit la fiction, ſoutient dans les ſpectateurs cette douce illuſion qui eſt tout le plaiſir du théatre, où elle jette encore le merveilleux. Il ne faut point de vols, ni de chars, ni de changements, aux Bérénices et à Pénélope : il en faut aux Opéras, et le propre de ce ſpectacle eſt de tenir les eſprits, les yeux & les oreilles dans un égal enchantement.

48. — Ils ont foit le théatre, ces empreſſez les machines, les ballets, les vers, la muſique, tout le ſpectacle, juſqu’à la ſalle où s’eſt donné le ſpectacle j’entends le toit & les quatre murs dès leurs fondements. Qui doute que la chaſſe ſur l’eau, l’enchantement de la Table, la merveille du Labyrinthe ne ſoyent encore de leur invention ? J’en juge par le mouvement qu’ils ſe donnent, & par l’air content dont ils s’applaudiſſent ſur tout le ſuccès. Si je me trompe, & qu’ils n’aient contribué en rien à cette feſte ſi ſuperbe ſi galante, ſi longtemps ſoutenue, & où un ſeul a ſuffi pour le projet & pour la dépenſe, j’admire deux choſes : la tranquillité & le flegme de celuy qui a tout remué, comme l’embarras & l’action de ceux qui n’ont rien fait.

49. — Les connaiſſeurs, ou ceux qui ſe croient tels ſe donnent voix délibérative & déciſive ſur les ſpectacles, ſe cantonnent auſſi, & ſe diviſent en des partis contraires, dont chacun, pouſſé par un tout autre intéreſt que par celuy du public ou de l’équité, admire un certain poème ou une certaine muſique, & ſiffle tout autre. Ils nuiſent également, par cette