Page:La Bruyere - Caracteres ed 1696.djvu/93

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vulgaire confondent avec les ſavants, & que les ſages renvoient au pédantiſme.

63. — La critique ſouvent n’eſt pas une ſcience ; c’eſt un métier, où il faut plus de ſanté que d’eſprit, plus de travail que de capacité, plus d’habitude que de génie. Si elle vient d’un homme qui ait moins de diſcernement que de lecture, & qu’elle s’exerce ſur de certains chapitres, elle corrompt & les lecteurs & l’écrivain.

64. — Je conſeille à un auteur né copiſte, & qui a l’extreſme modeſtie de travailler d’après quelqu’un, de ne ſe choiſir pour exemplaires que ces ſortes d’ouvrages où il entre de l’eſprit, de l’imagination, ou meſme de l’érudition : s’il n’atteint pas ſes originaux, du moins il en approche, & il ſe foit lire. Il doit au contraire éviter comme un écueil de vouloir imiter ceux qui écrivent par humeur, que le cœur foit parler, à qui il inſpire les termes & les figures, & qui tirent, pour ainſi dire, de leurs entrailles tout ce qu’ils expriment ſur le papier : dangereux modèles & tout propres à faire tomber dans le froid, dans le bas & dans le ridicule ceux qui s’ingèrent de les ſuivre. En effet, je rirais d’un homme qui voudroit ſérieuſement parler mon ton de voix, ou me reſſembler de viſage.

65. — Un homme né chrétien & Français ſe trouve contraint dans la ſatire ; les grands ſujets luy ſont défendus : il les entame quelquefois, & ſe détourne enſuite ſur de petites choſes, qu’il relève par la beauté de ſon génie & de ſon ſtyle.

66. — Il faut éviter le ſtyle vain & puéril, de peur de reſſembler à Dorilas et Handburg : l’on peut au contraire en une ſorte d’écrits haſarder