Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/102

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dans les autres une fierté à notre égard qui y est quelquefois, et qui souvent n’y est pas : une personne modeste n’a point cette délicatesse.

73 (IV)

Comme il faut se défendre de cette vanité qui nous fait penser que les autres nous regardent avec curiosité et avec estime, et ne parlent ensemble que pour s’entretenir de notre mérite et faire notre éloge, aussi devons-nous avoir une certaine confiance qui nous empêche de croire qu’on ne se parle à l’oreille que pour dire du mal de nous, ou que l’on ne rit que pour s’en moquer.

74 (IV) D’où vient qu’Alcippe me salue aujourd’hui, me sourit, et se jette hors d’une potière de peur de me manquer ? Je ne suis pas riche, et je suis à pied : il doit, dans les règles, ne me pas voir. N’est-ce point pour être vu lui-même dans un même fond avec un grand ?

75 (IV)

L’on est si rempli de soi-même, que tout s’y rapporte ; l’on aime à être vu, à être montré, à être salué, même des inconnus : ils sont fiers s’ils l’oublient ; l’on veut qu’ils nous devinent.

76 (I)

Nous cherchons notre bonheur hors de nous-mêmes, et dans l’opinion des hommes, que nous connaissons flatteurs, peu sincères, sans équité,