Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/77

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de couteaux et de fourchettes, dont il ne les laisse pas jouir longtemps. On a inventé aux tables une grande cuillère pour la commodité du service : il la prend, la plonge dans le plat, l’emplit, la porte à sa bouche, et il ne sort pas d’étonnement de voir répandu sur son linge et sur ses habits le potage qu’il vient d’avaler. Il oublie de boire pendant tout le dîner ; ou s’il s’en souvient, et qu’il trouve que l’on lui donne trop de vin, il en flaque plus de la moitié au visage de celui qui est à sa droite ; il boit le reste tranquillement, et ne comprend pas pourquoi tout le monde éclate de rire de ce qu’il a jeté à terre ce qu’on lui a versé de trop. Il est un jour retenu au lit pour quelque incommodité : on lui rend visite ; il y a un cercle d’hommes et de femmes dans la ruelle qui l’entretiennent, et en leur présence il soulève sa couverture et crache dans ses draps. On le mène aux Chartreux ; on lui fait voir un cloître orné d’ouvrages, tous de la main d’un excellent peintre ; le religieux qui les lui explique parle de