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LA CHANSON 109 Salons de Paris, Psyché, l’Illustration, le Nain Jatme, la Vogue parisienne, etc. Relirée aujourd’hui dans un petit liameau de Tarrondissement d’Aix, elle consacre son temps à la lecture, à la musique et à la création d’œuvres qui verront successivement le jour, et qui se recommanderont, comme leurs ainées, par un mérite étonnant d’observation, une verve spirituelle et un sentiment exquis. -♦ A Madame Hortense Rolland. Puisque tu vas, poëte, au paj^s oii mon rêve Emigré chaque hiver comme un oiseau frileux, Voudrais-tu me cueillir, là-bas, près des flots blous La plus humble fleurette éclose sur la grève ; Ou bien me ramasser parmi les joncs amers Une écaille, un galet, les débris d’une conque. Un rameau d’algue... enfin, une chose quelconque Exhalant jusqu’à moi l’icre parfum des mers. Coquille ou goëmon, brin d’herbe ou fliour sauvage Madame, envoyez-moi de votre douxiivage Un dernier souvenir qui, me parlant des flots. Me fasse rebrousser le chemin de la vie Où s’ébattait, pieds nus, mon enfance ravie Alors qu’elle mordait au pain des matelots. René Ponsaru. 1 Prix.

LA CIGARETTE

(Page de la vingtième année)

Viens, ma gentille cigarette,
Dissiper un trop long ennui,
Avec toi, ce que je regrette
Je veux l'oublier aujourd'hui.
Tu le sais, souvent je suis triste.
Quoique l'on voie en mon réduit
Tout le mobilier d'un artiste :
Deux chaises, une table, un lit.
 

Mais il faut à la jeune fille —
Enfant du grand air, du soleil —
De l'espace, un beau ciel qui brille
Pour lui sourire à son réveil.
Et quand mon âme de poète
Voudrait jeter de joyeux cris,
Je n'aperçois de ma chambrette
Que des toits noirs et le ciel gris.


O mon beau pays de Provence !
O bouquet aux riants buissons
Où, dès que le printemps commence.
Tout est fleurs, amours et chansons !
Même quand le mistral tourmente
Et la vallée et le coteau,
Le rossignol joyeux y chante
Dans les peupliers du hameau.


Dès le matin, dans la rosée
Mouillant mes pieds, cheveux au vent,
Je m'en allais, l'âme embrasée,
Soupirant, chantant, écrivant.
Sous les grands dômes de verdure,
Oubliant et fatigue et faim,
Des bois de pins le doux murmure
Me berçait d'un rêve sans fin.


Quand de ma course vagabonde
Je rentrais le soir, souvent tard,
Deux enfants à la tète blonde
Attiraient mon premier regard.
L'un dormait au sein de sa mère,
Aux grands yeux bleus pleins de douceur,
L'autre courait dans la chaumière...
C'étaient les enfants de ma sœur.


Ne pleurons plus ces douces choses.
Qui sait ? peut-être avec le temps,
Je pourrai cueillir quelques roses
Comme celles de mon printemps.
N'importe, chère cigarette,
Laisse-moi rêver aujourd'hui...
J'aime tant ce que je regrette
Que je me plais dans mon ennui.

— ♦ ’ 2e Prix. LES CONFITURES. Air : Tout le long de la ritière. Eh quoi ! bambins, petits démons. Gentils lutins que nous aimons, De baisers voilà qu’on m’assiège ! Pour mes compotes c’est un piège. De grand’maman que voulez-vous ? Pourquoi lui faire les yeux doux ? Je vous comprends, charmantes créatures : Nà, je veux, je veux, je veux d»6 confitures ! Moi, je veux, je veux des confitures ! D’an saint apôtre de nos jours Entendez l’éloquent discours : Contre les vains biens de ce monde En arguments comme il abonde I En chaire, il ne demande à Dieu Que de l’annoncer en tout lieu... Je vous comprends, charmantes créatures : Nà, je veux, je veux, je veux des confitures ! Moi, je veux, je veux des confitures ! Rose pense qu’à dix-sept ans D’avoir un époux il est temps ; Depuis peu, comme elle est modeste. Simple, douce, aimable et le reste 1 Sa mère, en voyant tant d’appas. Enfin ne la reconnaît pas... Je vous comprends, charmantes créatures I Nà, je veux, je veux, je veux des confitures ! Moi, je veux, je veux des confitures.