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LA CHANSON DE ROLAND.

Que perdre, nous, nos honneurs & nos fiefs,
Et nous trouver conduits à mendier. »


IV (è-e).

Blancandrin dit : « Par cette mienne dextre,
Et par ma barbe que la briſe careſſe,
L’oſt des Français verrez ſoudain défaire ;
Francs s’en iront en France, dans leur terre ;
Quand ſeront tous dans leur meilleur domaine,
Charles ſera à Aix, dans ſa chapelle.
À Saint-Michel, tiendra très-grande fête.
Viendra le jour, & paſſera le terme ;
N’orra de nous paroles ni nouvelles.
Le Roi eſt fier, & ſon âme eſt cruelle ;
De nos otages fera trancher les têtes ;
Il vaut bien mieux qu’ils y perdent leurs têtes,
Que perdre, nous, claire Eſpagne la belle,
Et ſupporter les maux & la détreſſe. »
Les païens diſent : « Ainfi peut-il bien être. »


V (é).

Marfile avait ſon conſeil terminé.
Eſtamarin, Claron de Balaguer,
Et Eudropin, ſon pair, fait appeler,
Et Priamon, & Guarlan l’embarbé,
Et Machiner, & ſon oncle Mahé,
Et Joüner, Malbien outre-mer né,
Et Blancandrin, pour ſes raiſons conter.
Des plus félons dix en a appelés.
« Seigneurs barons, à Charlemagne irez ;
Il eſt au ſiége de Cordres, la cité ;
Branches d’olive en vos mains porterez ;