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LA CHANSON DE ROLAND.

Par ſes machines, mis les tours à ſes pieds.
Très-grand butin en ont ſes chevaliers,
D’or & d’argent, de harnois précieux.
En la cité n’eſt reſté nul païen ;
Tous ſont occis, ou devenus chrétiens.
L’empereur Charles en un verger s’aſſied.
Auprès de lui Roland & Olivier,
Samſon le duc, & Anſéïs le fier,
Geoffroi d’Anjou, du Roi gonfalonnier,
Auſſi y furent & Gérin & Gérier ;
Là où ils furent, d’autres y en eut bien :
De douce France y ſont quinze milliers.
Sur blancs tapis s’aſſeoient ces chevaliers,
Aux tables jouent pour ſe déſennuyer,
Et aux échecs les plus ſages, les vieux,
Et à l’eſcrime ces légers bacheliers.
Deſſous un pin, auprès d’un églantier,
Eſt un fauteuil, fait d’or pur-tout entier.
Là ſied le Roi qui douce France tient.
Son chef fleuri, ſa barbe, ont blanchoyé.
Noble eſt ſon corps, & ſon maintien eſt fier.
À qui le cherche n’eſt beſoin l’enſeigner
Les meſſagers deſcendirent à pied ;
Firent falut d’amis & gens de bien.


IX (é).

Blancandrin a tout le premier parlé,
Et dit au Roi : « De Dieu ſoyez ſauvé,
Le glorieux, que devez adorer.
Le preux Marſile ceci vous fait mander :
A bien cherché la loi qui peut ſauver ;
De ſon avoir vous veut beaucoup donner,
Ours & lions, lévriers enchaînés,